C. Mann: Femmes dans la guerre, 1914–1945

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Titel
Femmes dans la guerre, 1914–1945. Survivre au féminin devant et durant deux conflits mondiaux


Autor(en)
Mann, Carol
Erschienen
Paris 2010: Pygmalion
Anzahl Seiten
381 p.
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Daniel Palmieri

La dernière décennie a connu un regain d’intérêt pour l’histoire des femmes dans la guerre. Cette attention soutenue pour un domaine longtemps considéré comme une affaire d’hommes uniquement a certainement été inspirée par l’actualité contemporaine et par les grandes crises humanitaires liées aux conflits armés de ces vingt dernières années. L’intérêt que portent désormais les historiens au binôme féminité/conflictualité semble aussi avoir été précédé par une prise de conscience plus générale des sciences humaines, et du droit humanitaire en particulier. La protection et le soutien matériel ou psychologique spécifiques à apporter aux femmes dans des situations de violence armée est devenu aujourd’hui un élément majeur de toute politique humanitaire. Leurs besoins particuliers ayant été reconnus, tout comme d’ailleurs les sévices tout aussi particuliers dont elles sont les principales victimes lors de guerres (et en particulier les violences sexuelles), les femmes ont ainsi pu sortir de la masse informe que l’on nomme «populations civiles» pour se voir conférer un statut d’acteur à part entière lors des conflits. Cette «discrimination positive» trouve des échos également dans la science historique avec, pour preuve, ces dernières années, une abondante publication d’ouvrages consacrés à la question des femmes et de la guerre.

Le livre de Carol Mann s’inscrit dans cette tendance qui se double, dorénavant, de celle de considérer les femmes sous l’angle à fois de personnes subissant la guerre, mais aussi y participant activement, y compris en tant que combattantes. Si plusieurs publications récentes en langue française ont fait la part belle à la Seconde Guerre mondiale (voir par exemple le livre magnifiquement illustré de Claude Quétel, Femmes dans la guerre, 1939–1945, Paris: Larousse, 2004), Carol Mann élargit son propos en analysant le rôle des femmes durant le Premier Conflit mondial, puis l’entre-deux-guerres. Ce choix n’est pas uniquement motivé par un souci de respecter une quelconque chronologie, mais sert à montrer des points de rupture. Selon C. Mann, le premier – la guerre de 1914–1918 – voit un retour des femmes dans l’espace public (et donc aussi guerrier) des sociétés occidentales, espace dont elles avaient été exclues depuis grosso modo l’époque de la Révolution française. En occupant des places de travail laissées vacantes par les hommes partis au front, les femmes regagnent une autonomie, même si elle reste encore largement sous contrôle masculin; une liberté relative que la société bourgeoise du XIXe siècle leur avait ôtée. De plus, les bouleversements sociétaux engendrés par le conflit leur permettent de bénéficier d’une certaine indépendance en matière de sexualité ou d’éducation. Dans plusieurs pays, la guerre signifiera aussi l’acquisition de droits civiques pour les citoyennes. Un peu trop «urbano-centrée» à notre goût, cette analyse, même si elle n’est pas vraiment neuve, fournit toutefois une bonne synthèse de différents champs de recherche sur l’histoire économique, sociale et culturelle de la Première Guerre mondiale.

En revanche, Carol Mann se montre plus à l’aise sur le chapitre consacré à l’entre-deux-guerres, qui voit l’affrontement entre deux idéologies. D’abord celle voulant récupérer le corps des femmes (le chapitre est d’ailleurs sous-titré l’Utérus nationalisé) à des fins natalistes, avec donc une mise en exergue des femmes dans leur rôle de mère, pilier essentiel d’une société que les pouvoirs totalitaires veulent ancrer à nouveau dans la tradition; et, parallèlement, une politique menée à l’encontre des femmes en matière de sexualité, avec la pénalisation et l’interdiction de l’avortement, voire de la contraception. Constituant la seconde moitié de l’ouvrage, la partie sur la Seconde Guerre mondiale offre paradoxalement au lecteur averti à la fois des redites (en particulier le chapitre sur la participation directe des femmes dans la guerre), mais aussi et surtout des pages fortes quand l’auteur aborde la question des femmes dans des situations extrêmes, et en particulier dans l’univers concentrationnaire nazi.

En résumé, le livre de Carol Mann n’apportera, en règle générale, que peu de grain à moudre pour les spécialistes de l’histoire militaire ou/et de l’histoire des femmes, exception faite peut-être des passages consacrés aux victimes féminines de l’Holocauste et à leur combat. Pour un lecteur peu au courant de ces deux thématiques en revanche, Femmes dans la guerre peut faire office de bon ouvrage d’initiation; son style clair et fluide étant un atout supplémentaire pour cette découverte.

Citation:
Daniel Palmieri: compte rendu de: Carol Mann: Femmes dans la guerre, 1914–1945. Survivre au féminin devant et durant deux conflits mondiaux. Paris, Pygmalion, 2010. Première publication dans: Revue Suisse d’Histoire, Vol. 60 Nr. 4, 2010, p. 506-507.

Redaktion
Veröffentlicht am
06.03.2012
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Die Rezension ist hervorgegangen aus der Kooperation mit infoclio.ch (Redaktionelle Betreuung: Eliane Kurmann und Philippe Rogger). http://www.infoclio.ch/
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